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Festival du livre africain de Marrakech : un manifeste pour la littérature d’Afrique

RENDEZ-VOUS. Pour la première fois, une cinquantaine d’écrivains et artistes ont été réunis au Maroc pour braquer les projecteurs sur la littérature africaine.

Marrakech, ce début d’année 2023 sonne la célébration de l’art africain sous toutes ses formes. Le cœur de la ville ocre a vibré en février dernier au rythme des pulsations de la Foire 1-54 et de la première édition du Festival du livre africain de Marrakech, qui a permis de rassembler écrivains de renom, éditeurs, artistes et amateurs de littérature du continent et de la diaspora autour d’un objectif commun, celui de promouvoir la créativité africaine sous l’angle littéraire et de rêver d’Afrique en terre africaine.

Le festival a littéralement embrasé la capitale culturelle du Maroc. Quatre jours d’effervescence littéraire et culturelle durant lesquels une quarantaine d’écrivains et d’artistes se sont réunis au centre culturel Les Étoiles de Jamaâ El Fna. JMG Le ClezioLilian Thuram, Sami Tchak, Rodney Saint-Éloi, Ken Bugul, Ananda Devi, Blaise Ndala, Abdhourham Waberi, Fouad Laroui, Fawzla Zaroui et bien d’autres écrivains de talent ont répondu présent à cette première édition. Un succès au-delà de toute attente pour les organisateurs : « Le miracle de la conception de ce projet s’est largement poursuivi avec l’attente du public et la qualité des échanges et des débats avec les écrivains », souligne Younes Ajarrai, l’un des fondateurs du festival. Et pour cause, animé d’une pléthore de conférences, de discussions et de débats stimulants autour de questions sociales, culturelles et politiques importantes en Afrique, tels que la littérature et l’engagement, le racisme, la décolonisation, la question identitaire, l’écologie, le festival a ouvert la voie vers des territoires d’expression plurielles, riches et diversifiées.

Un manifeste pour le continent, marqué notamment par le discours inaugural de l’écrivain franco-mauricien et Prix Nobel de littérature 2008 JMG Le Clezio qui a salué l’initiative de ce premier festival comme « un hommage rendu à l’identité africaine, à la grandeur et à l’ancienneté de la littérature africaine à travers toutes ses voix et ses héritages, une rencontre nécessaire entre les hommes et les femmes du continent, que seule peut la littérature en traversant les frontières » et de rappeler « qu’elle est une arme pour lutter contre tous ceux qui, malgré les enseignements de l’histoire, revêtent aujourd’hui les loques trouées du racisme et de la xénophobie ».

Rêver d’Afrique ensemble et agir pour la jeunesse

Les organisateurs Mahi Binébine, Younes Ajarrai, Fatimata Wane, Hanane Essaydi, sont partis du constat que « rares étaient les événements littéraires organisés sur le continent avec une dimension internationale et panafricaine et de la nécessité de réconcilier des territoires divisés par les frontières du Sahara et l’histoire coloniale ». Mais aussi « du besoin impérieux de se rencontrer chez nous entre voisins », précise Mahi Binébine.

Pour répondre à l’ambition du festival, des tables rondes organisées autour de la pluralité de voix d’auteurs et d’autrices et stimulés d’un nouveau souffle grâce à la présence d’une nouvelle génération d’écrivains ont favorisé des échanges et des débats de qualité malgré les différences d’horizons, de pensées et d’histoires des intervenants. « Le festival a montré qu’il existe une symbiose dans la culture africaine et qu’il est possible de miser sur l’excellence de cette culture qui donne au plus grand nombre. On espère qu’il y ait un sursaut au niveau de l’industrie du livre », souligne Fatimata Wane et d’ajouter : « Le festival a permis de lever le voile sur l’importance de “décoloniser les arts”, d’apprendre enfin à se regarder soi-même, à recentrer son regard sur le continent plutôt que dans le miroir parfois déformant de l’Occident. »

Une autre des visées majeures du festival a été de promouvoir l’accès à la lecture et à l’écriture auprès du public jeune. « On a eu envie de rêver d’Afrique ensemble et de donner à cette jeunesse l’envie de rester en Afrique », affirme Mahi Binébine. C’est d’ailleurs à l’initiative de l’artiste peintre et romancier marocain qu’est né le centre culturel Les Étoiles de Jamaâ El Fna à Marrakech, un espace dédié à la promotion de la culture, à la transmission de l’excellence de l’art et de la création aux jeunes défavorisés. C’est également dans cette lignée que c’est inscrit cet événement. Une jeunesse enthousiaste, boulimique de savoir, de lecture et d’écriture à laquelle le festival a ouvert en grand les portes, a eu accès à des échanges privilégiés avec les écrivains sur le centre ou bien encore dans les universités et lycées. Une librairie éphémère, des allées et venues libres et gratuites au cœur d’un joyau architectural distingué comme le Riad Lekbir dans une ambiance chaleureuse et festive ont permis aussi de créer ce « miracle ».

Les femmes de lettres africaines à l’honneur

Autre fait marquant du festival, l’importance portée aux voix féminines. Rappelant dans son discours inaugural que les femmes étaient « une force » pour la littérature, JMG Le Clezio a salué la présence indispensable des femmes dans le paysage littéraire africain. Ken Bugul, Ananda Devi, Fawzla Zaouri, Djaili Amadou Amal ainsi qu’une nouvelle lignée d’autrices Anni Lulu, Yasmine Chami, Ernis, Jennifer Richard, entre autres, ont apporté une voix importante à la discussion sur la littérature africaine contemporaine. Au cœur des préoccupations : la place des femmes dans la littérature, la transmission intergénérationnelle et la question de la visibilité des auteurs et autrices africains. La grande écrivaine sénégalaise Ken Bugul a exprimé « le besoin de se retrouver pour parler des œuvres entamées, de confronter les imaginaires, de les enlacer pour contribuer à l’épanouissement de la culture africaine et de donner de l’élan à cette jeune génération d’écrivains passionnés pour lesquels le besoin d’écrire est très fort autour des questions identitaires, de genre et sur les enjeux politiques et sociétaux ». Et de poursuivre : « Le continent conserve les pulsions qui ont été à l’origine de la construction du monde, cette rythmique, cette lumière qui vous entraîne. Nous allons dessiner le monde de demain. »

Un message fort partagé par une autre grande figure féminine de la littérature africaine, la Mauricienne Ananda Devi, qui rappelle que : « L’Afrique est un carrefour de cultures ancestrales qui assiste à l’émergence de nouvelles cultures et de mode d’expressions différents. En ce qui concerne la littérature africaine, beaucoup de ressentis culturels et spirituels n’ont pas encore été écrits portant un foisonnement de l’imaginaire. Il s’agit aussi de puiser dans les non-dits, d’être libre par rapport à la langue et de prendre appui sur des éditeurs de plus en plus à l’écoute. » Un travail littéraire dont on retrouve les marqueurs forts sous la plume de jeunes autrices prometteuses telles qu’Annie Lulu, qui après La Mer noire dans les grands lacs, Prix Senghor 2021, signe un second roman, La Peine des faunes, paru aux éditions Julliard, qui traite des violences environnementales et sexistes au travers d’une galerie de portraits de femmes inoubliables menant un combat pour la liberté et la justice. « En tant qu’afrodescendante, je suis une héritière de la pluralité des voix traversées et traversantes du continent, j’engage une partie de mon regard émotionnel et intime pour faire face à des défis sans précédents et mettre en lumière avec cette voix hybride et singulière les questions propres à l’Afrique », confie-t-elle.

Une lumière a jailli au centre culturel Les Étoiles de Jamaâ El Fna, confirmant la richesse de la littérature africaine et les perspectives offertes pour l’Afrique. La FLAM s’est emparée du cœur des amoureux des lettres et de l’Afrique et a insufflé pour les organisateurs du festival un message porteur d’espoir pour le continent : « On peut être différent sur bien des aspects et se réunir autour d’une amitié commune dans une démarche humble et sincère. »

Source: www.lepoint.fr

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