Dès son arrivée à la Maison Blanche, le républicain a réaffirmé son souhait d’imposer des droits de douane à ses voisins canadiens et mexicains. L’Union européenne et la Chine sont également dans son viseur.
Quatre ans après la fin de son premier mandat, Donald Trump est de retour à la Maison Blanche avec le même objectif : « Rendre sa grandeur à l’Amérique. » Dès son discours d’investiture, lundi 20 janvier, le président américain a promis de rétablir l’« âge d’or » de son pays et réaffirmé ses menaces de guerre commerciale.
« Au lieu de taxer nos citoyens pour enrichir d’autres pays, nous imposerons des droits de douane et des taxes aux pays étrangers pour enrichir nos citoyens », a lancé le républicain. Quels sont les pays dans le viseur de Donald Trump ? Quelles sont les armes qu’il brandit ? On fait le point sur le plan de bataille du nouveau locataire de la Maison Blanche.
En menaçant d’imposer des droits de douane au Canada et au Mexique
Tout juste investi, Donald Trump a ouvert le front des guerres commerciales en réitérant, dès lundi, sa volonté d’imposer des droits de douane de 25% aux produits venant du Canada et du Mexique, dès le 1er février. Pour l’heure, aucun décret n’a officialisé cette mesure. Mais, durant sa campagne, le milliardaire avait affirmé qu’il instaurerait rapidement des droits de douane sur tous les produits en provenance de ces deux pays frontaliers, s’ils ne jugulaient pas l’entrée de drogues et de migrants clandestins aux Etats-Unis.
Le Canada et le Mexique sont pourtant théoriquement protégés par un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, renégocié en 2018 durant le premier mandat de Donald Trump et qu’il avait alors présenté comme le « meilleur possible ». Par ailleurs, les deux pays étant parmi les principaux partenaires commerciaux de Washington, certains experts s’attendent à ce qu’un relèvement des droits de douane entraîne un rebond de l’inflation. Une perspective que l’administration du nouveau président écarte. Les entreprises américaines anticipent par ailleurs des représailles de la part des pays concernés sous la forme de droits de douane additionnels, qui pénaliseraient leurs propres exportations.
De son côté, le Canada, dont 75% des biens et services exportés partent vers les Etats-Unis, voit dans ces annonces une « menace très réelle ». Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, promet que le pays « ripostera » si Donald Trump met à exécution ses menaces. Selon les projections de la banque Scotia, citées par Radio Canada(Nouvelle fenêtre), une guerre commerciale entre les deux pays pourrait faire chuter le PIB canadien de plus de 5%, augmenter le chômage et faire grimper l’inflation. La présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, a pour sa part appelé à garder « la tête froide » et à « s’en tenir aux décrets signés » par le président américain, « par-delà le discours ».
En mettant à nouveau la pression sur la Chine
Durant sa campagne, le milliardaire avait également menacé de relever significativement les droits de douane sur les importations venues de Chine, n’écartant pas la possibilité qu’ils atteignent 60%, voire davantage. Interrogé par la presse à la Maison Blanche mardi, Donald Trump a assuré que son gouvernement discutait finalement « de 10% de droits de douane sur les produits chinois, car ils envoient du fentanyl au Mexique et au Canada ». « C’est sans doute pour le 1er février, c’est la date que nous regardons », a-t-il ajouté.
Pékin a réagi mercredi en affirmant être « fermement déterminée » à « défendre ses intérêts nationaux ». « Nous avons toujours estimé qu’il n’y a pas de gagnants dans une guerre commerciale ou une guerre des droits de douane », a affirmé Mao Ning, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois.
Durant son premier mandat, Donald Trump avait imposé des droits de douane élevés sur les importations chinoises, des mesures pour l’essentiel maintenues par son successeur, Joe Biden. Une nouvelle hausse des droits douaniers porterait un coup dur à l’économie chinoise, dont la croissance reste largement dépendante des exportations. « En 2018-2019, Trump avait choisi de ne taxer qu’une partie des importations, environ 300 milliards de dollars, mais là ça pourrait être beaucoup plus », explique sur franceinfo Antoine Bouët, professeur d’économie à l’Université de Bordeaux.
Selon le spécialiste, les Etats-Unis auraient aussi à perdre en ouvrant une nouvelle guerre commerciale avec Pékin. « La Chine a quand même une capacité de représailles, notamment parce qu’elle peut fermer son marché », relève Antoine Bouët. Ce qui pourrait avoir des conséquences pour le porte-monnaie des ménages et pour les entreprises américaines. Ces dernières « bénéficient de biens intermédiaires, de machines, d’équipements électriques qui viennent de Chine et qui sont peu chers », et des mesures de riposte pourraient « ruiner » leur compétitivité, met en garde l’économiste.
En appelant l’UE à acheter davantage de pétrole et de gaz américains
Donald Trump a par ailleurs placé l’« urgence énergétique » au cœur de ses priorités et entend doper l’exploitation des hydrocarbures du pays pour diminuer le coût de l’énergie et lutter contre l’inflation. Le président américain veut accroître la production de pétrole et de gaz pour « remplir les réserves stratégiques » et « exporter l’énergie américaine dans le monde entier ».
Sur ce volet, le républicain cible particulièrement l’Union européenne et fustige son excédent commercial avec Washington. Les Vingt-Sept « sont durs, très durs. Ils n’achètent pas nos voitures, ni nos produits agricoles, ils n’achètent presque rien », a-t-il affirmé lundi soir. « Nous allons donc régler ce problème en imposant des droits de douane ou en obligeant les Européens à acheter notre pétrole (…) et notre gaz », a-t-il poursuivi.
En 2022, les exportations de biens de l’UE vers les Etats-Unis s’élevaient à 509 milliards d’euros, tandis que les importations de produits américains vers le Vieux Continent représentaient 358 milliards d’euros, selon les données du Conseil de l’Union européenne(Nouvelle fenêtre). L’UE vend principalement des médicaments ainsi que des véhicules à moteur au marché américain. En échange, elle achète aux Etats-Unis du gaz naturel, du pétrole et également des produits pharmaceutiques.
Par ailleurs, les causes de ce déséquilibre sont variables en fonction des pays européens. Par exemple, le déficit commercial avec l’Allemagne est principalement de nature industrielle. Celui avec l’Irlande est en grande partie lié à l’installation sur l’île des sièges européens des grands groupes américains, qui y profitent d’une fiscalité très avantageuse pour réduire leurs impôts. Les promesses de campagne de Donald Trump de réduire le taux d’imposition sur les sociétés aux Etats-Unis, dans une logique de protectionnisme, inquiètent d’ailleurs le territoire(Nouvelle fenêtre).
En outre, si l’UE a certes un excédent commercial « substantiel » en ce qui concerne les biens, les Américains ont de leur côté un excédent « substantiel » sur les échanges de services, a réagi un porte-parole de la Commission européenne. La présidente de la Commission européenne a assuré mardi que l’UE se montrerait « pragmatique » avec les Etats-Unis, appelant à « engager le dialogue sans attendre » et à « préparer à la négociation ». Début novembre, Ursula von der Leyen avait déjà évoqué la possibilité que Washington fournisse davantage de gaz naturel liquéfié à l’UE en remplacement du gaz russe.
Selon une note(Nouvelle fenêtre) d’analyse publiée par la banque Goldman Sachs en décembre, l’imposition de droits de douane à hauteur de 10% réduirait de 1% le PIB de la zone euro. Un manque à gagner difficilement envisageable pour l’UE, déjà confrontée à une économie au ralenti et dont la première économie, l’Allemagne, est en récession. Un potentiel conflit commercial aurait un « coût économique substantiel pour tout le monde, y compris les Etats-Unis », a pour sa part estimé le commissaire européen à l’Economie, Valdis Dombrovskis.
Source: www.francetvinfo.fr