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Trump n’épargne pas l’Afrique dans sa guerre commerciale

À partir du 9 avril, les produits africains exportés vers les États-Unis vont se voir imposer des taxes supplémentaires allant de 10 % à 50 %, selon les pays.

L’administration Trump a frappé fort en annonçant, le 3 avril, les nouveaux droits de douane applicables aux produits importés aux États-Unis. Ces nouvelles mesures prendront effet le 9 avril, avec une taxe minimale de 10 % sur tous les produits entrant sur le territoire américain et des droits de douane bien plus élevés pour nombre de pays. Ainsi, comme lors de son premier mandat, Donald Trump lance la guerre commerciale et l’Afrique n’est pas épargnée.

Pour l’économie mondiale qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, se développe sur la base du libre-échange, c’est un véritable séisme. Le président américain prétexte une action réciproque, estimant son pays lésé depuis des années par ses alliés et ses concurrents qui appliquent des mesures protectionnistes nuisant aux exportations américaines. Avec cette annonce, baptisée « jour de la libération », Trump compte mettre fin à des « décennies d’abus commerciaux ». C’est les États-Unis contre le reste du monde.

L’Afrique ne représente que 3 % du commerce mondial, alors sa place dans les échanges avec les États-Unis reste forcément très limitée. Ainsi, les exportations du continent vers les États-Unis se sont élevées à 49 milliards de dollars en 2024, dont 39,5 milliards pour l’Afrique subsaharienne, selon l’Office of the United States Trade Representative. Le déficit commercial des États-Unis avec l’Afrique est de 7,4 milliards de dollars. C’est peu, comparé à d’autres zones géographiques. À titre de comparaison, ce déficit s’élève à 157 milliards de dollars avec l’Union européenne en 2023 pour les biens et un excédent de 109 milliards sur les services (ce qu’oublie souvent de préciser l’administration américaine).

Le continent africain exporte principalement du pétrole brut (7,3 milliards de dollars), des métaux et des pierres précieuses (6,9 milliards de dollars), des véhicules automobiles (1,7 milliard de dollars) et des vêtements (1,4 milliard de dollars).

Lesotho et Madagascar, les pays les plus touchés

Certains pays comme le Lesotho et Madagascar verront leurs produits taxés respectivement à 50 % et 47 %. On peut se demander pourquoi ces deux pays sont la cible de l’administration Trump. Jean-Baptiste Velut, professeur à l’université Sorbonne-Nouvelle, sur RFI, donne une explication : « Justement car les États-Unis n’y vendent rien ! » Visiblement pour établir ces droits de douane « révisés », l’administration Trump s’est basée sur une formule mathématique alambiquée qui ne tient pas compte du niveau de développement. Le principal déterminant est le déficit commercial des États-Unis par rapport au pays considéré. Madagascar, qui exporte beaucoup de vanille vers les États-Unis, mais n’importe pas grand-chose en retour, affiche un excédent commercial envers les États-Unis de 627 millions de dollars. Le couperet tombe avec des droits de douane à 47 %

Du point de vue américain, on peut douter de la pertinence de ces taxes qui vont frapper indistinctement des produits substituables ou pas… Autant tant dire que la glace à la vanille (la vraie) deviendra inabordable aux États-Unis. Pour Madagascar, l’inquiétude s’est emparée de toute la filière, dont le premier client était les États-Unis.

Sur la plateforme X, Donald Trump a présenté un tableau comportant deux colonnes : l’une avec les droits de douane et les barrières que les pays imposeraient aux produits américains – y compris des mesures indirectes telles que la manipulation de la monnaie ou les réglementations sanitaires –, et l’autre avec les nouveaux droits de douane que les États-Unis appliqueront en réponse à ces pays. Ainsi, d’après les calculs de l’administration américaine, le taux moyen imposé par le Lesotho aux produits venus des États-Unis serait de 99 %. Soit le niveau le plus élevé au monde. Un calcul qui justifie l’application de nouveaux droits de douane atteignant 50 %, le pays le plus durement frappé.

Un cataclysme pour ce petit pays enclavé dans l’Afrique du Sud qui bénéficiait jusqu’alors des accords de l’Agoa qui lui permettaient d’exporter sans droit de douane vers les États-Unis. Grâce à cet accord, le pays avait développé une industrie textile qui était devenue un des piliers de son économie. Le textile est devenu le plus gros employeur du pays avec plus de 35 000 salariés. Des jeans détaxés « made in Lesotho » sont ainsi exportés vers les États-Unis.

Ironiquement, un commentateur se demandait, le 3 avril sur la matinale de France Inter, comment Trump avait trouvé le Lesotho sur la carte. Déjà en mars dernier, devant le Congrès américain, Donald Trump avait annoncé la fin des aides américaines à destination du Lesotho, un pays dont « personne n’a entendu parler », expliquait-il. Le Lesotho reste un pays extrêmement fragile avec un adulte sur quatre qui est séropositif.

L’avenir de l’Agoa en question

Après le Lesotho et Madagascar, Maurice (40 %), le Botswana (37 %), l’Angola (32 %), la Libye (31 %) mais aussi l’Algérie (30 %), l’Afrique du Sud (30 %) et la Tunisie (28 %) arrivent en haut des pays les plus taxés par l’administration Trump. D’autres pays africains, voient leurs droits de douane compris entre 21 % et 11 %. La Namibie et la Côte d’Ivoire sont imposées à 21 %, suivies du Zimbabwe (18 %), du Malawi (17 %), de la Zambie (17 %), du Mozambique (16 %), du Nigeria (14 %), du Tchad (13 %), de la Guinée équatoriale (13 %) ainsi que de la RDC et du Cameroun avec 11 %. La majorité des pays africains subissent des droits de douane de 10 %, soit le niveau minimum appliqué par les États-Unis dans cette nouvelle politique tarifaire ubuesque. Parmi eux, on retrouve par exemple, l’Égypte, le Maroc, le Kenya ou l’Éthiopie, mais aussi le Sénégal, l’Ouganda, le Gabon ou le Togo.

À ce jour, plus de trente pays d’Afrique subsaharienne bénéficient d’un accord commercial spécifique : l’Agoa (African Growth and Opportunity Act). Grâce à cet accord, ils exportent la plupart de leurs produits vers les États-Unis sans droits de douane et sans obligations de réciprocité. Ce dispositif mis en place depuis 2000 par Bill Clinton était destiné à soutenir leur économie. Plus de 6 500 produits africains en bénéficiaient. Ainsi, les exportations des pays d’Afrique subsaharienne vers les États-Unis sous le régime de l’Agoa ont atteint 8 milliards de dollars en 2024, d’après le Congressional Research Service.

L’avenir de l’Agoa est plus qu’incertain. Cet accord commercial devait être renégocié en septembre 2025. Cependant, il semble vraisemblable que Donald Trump tente d’y mettre un terme, même si cela l’oblige à passer devant le Congrès, car cet accord est régi par une loi fédérale.

Cette remise en cause bouleverserait l’économie des pays adhérents. L’Afrique du Sud, qui bénéficiait de l’Agoa, se voit imposer des nouveaux droits de douane de 30 %. Pour le président sud-africain Cyril Ramaphosa, la négociation d’un nouvel accord commercial bilatéral est urgente. Les États-Unis représentent le deuxième partenaire commercial de l’Afrique du Sud. Ce sont donc des dizaines de milliers d’emplois qui sont en jeu, notamment dans le secteur automobile, l’un des principaux secteurs d’exportation de l’Afrique du Sud. Le pays est le premier exportateur hors pétrole dans le cadre de l’Agoa avec 3,6 milliards de dollars en 2023. Pour l’ensemble des pays bénéficiant de l’Agoa, les recettes d’exportation vers les États-Unis se sont élevées à 8 milliards de dollars en 2024.

Source: www.lepoint.fr

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