De Paris à Marrakech, en passant par Le Cap, Abidjan et Dakar, galeries, maisons de vente et foires construisent ensemble les règles d’un marché en expansion.
En une décennie, tout a changé. Les galeries et les foires commerciales qui mettent à l’honneur les artistes africains se sont multipliées. On compte désormais cinq foires d’art spécialisées : 1-54 à Londres, New York, Marrakech, Paris, mais aussi AKAA à Paris, FNB Art Joburg à Johannesburg, Art X Lagos et Investec Cape Town Art Fair dans la ville du Cap, en Afrique du Sud. Au-delà des foires dédiées, les artistes africains trouvent aussi de plus en plus leur place, et avec succès, dans toutes les foires internationales, de Miami à Londres, de New York à Genève. Qu’en est-il de Paris ?
De nombreuses galeries se sont ouvertes à Paris…
Longtemps à la traîne derrière Londres et New York, la capitale française est devenue une des places les plus attractives du marché de l’art contemporain africain. Ces dernières années, malgré le Covid qui a mis un certain moment la vie sous cloche et forcé les acteurs de l’art à proposer des éditions digitales, le « physique » a retrouvé ses lettres de noblesse. Nombre de nouvelles galeries dédiées aux artistes africains ou des diasporas ont ouvert dans des espaces physiques, d’autres ont déménagé pour s’agrandir.
En décembre dernier, le vernissage de la petite dernière, la galerie de Christophe Person dans le Marais, en a été une belle illustration. Après avoir monté le département art contemporain africain de la maison de vente Piasa, puis dirigé le même département chez Artcurial, où il est resté consultant externe, Christophe Person a décidé de lancer un projet plus personnel. Et il n’est pas le seul.
Les nouvelles galeries ont cette particularité d’avoir rapidement pris leurs marques. Ainsi Florian Azzopardi, qui a lancé Afikaris en 2018, une galerie en ligne, a transformé son appartement en show-room, avant de rapidement opter pour une galerie près du Centre Georges Pompidou et de déménager fin 2022 pour un espace plus en rapport avec ses ambitions près de République. Dans le même quartier, la galerie 193 (pour 193 pays); lancée, elle aussi, en 2018, a déménagé vers un espace plus grand avant d’ouvrir un second lieu conçu comme un atelier en résidence ouverte. Pour l’inaugurer comme premier artiste invité, le choix s’est porté sur le Burkinabé Hyacinthe Ouattara.
… renforçant l’attractivité de la capitale française
À peine sorties du Covid, en septembre 2021, deux galeristes ont inauguré un nouvel espace dans le triangle d’or du 8e arrondissement. À cette occasion, Cécile Fakhoury et Mariane Ibrahim ont mis à l’honneur des artistes ivoiriens, ghanéens, sénégalais ou encore nigérians. Et elles comptent bien convaincre à la fois la clientèle huppée, française et internationale, qui affectionne le quartier, mais aussi les grands collectionneurs, sans oublier les responsables d’institutions et de musées européens et américains de passage à Paris. Est-il nécessaire de rappeler que, dans ce triangle d’or de l’art contemporain, avec l’avenue Matignon et la rue Saint-Honoré comme marqueurs, on côtoie des institutions comme Emmanuel Perrotin, Gagosian, Lelong, ainsi que les incontournables du secteur, les maisons de vente aux enchères Artcurial, Christie’s et Piasa ?
« Aujourd’hui, Paris revit, et renoue avec son faste culturel, artistique et historique d’antan. Nous voyons une opportunité incroyable pour les artistes que nous représentons de faire partie de ce retour de la capitale sur la scène internationale, et de revendiquer la contribution incontestable des artistes de la diaspora africaine.
sur les canons artistiques passés, présents et futurs », se réjouit Mariane Ibrahim, qui, de Chicago où elle était présente, annonçait l’ouverture de sa galerie parisienne. Pour Cécile Fakhoury, bien ancrée dans sa belle galerie de 400 m2 sise à Abidjan, l’ouverture de l’adresse parisienne suit celle de Dakar en 2018. Elle compte ainsi bien profiter de sa présence à Paris pour augmenter la visibilité internationale de ses artistes.
Art contemporain africain : un nouvel écosystème s’installe
De Paris à Marrakech, en passant par Le Cap, Abidjan et Dakar, galeries, maisons de vente et foires construisent ensemble les règles d’un marché en expansion.
En une décennie, tout a changé. Les galeries et les foires commerciales qui mettent à l’honneur les artistes africains se sont multipliées. On compte désormais cinq foires d’art spécialisées : 1-54 à Londres, New York, Marrakech, Paris, mais aussi AKAA à Paris, FNB Art Joburg à Johannesburg, Art X Lagos et Investec Cape Town Art Fair dans la ville du Cap, en Afrique du Sud. Au-delà des foires dédiées, les artistes africains trouvent aussi de plus en plus leur place, et avec succès, dans toutes les foires internationales, de Miami à Londres, de New York à Genève. Qu’en est-il de Paris ?
De nombreuses galeries se sont ouvertes à Paris…
Longtemps à la traîne derrière Londres et New York, la capitale française est devenue une des places les plus attractives du marché de l’art contemporain africain. Ces dernières années, malgré le Covid qui a mis un certain moment la vie sous cloche et forcé les acteurs de l’art à proposer des éditions digitales, le « physique » a retrouvé ses lettres de noblesse. Nombre de nouvelles galeries dédiées aux artistes africains ou des diasporas ont ouvert dans des espaces physiques, d’autres ont déménagé pour s’agrandir.
En décembre dernier, le vernissage de la petite dernière, la galerie de Christophe Person dans le Marais, en a été une belle illustration. Après avoir monté le département art contemporain africain de la maison de vente Piasa, puis dirigé le même département chez Artcurial, où il est resté consultant externe, Christophe Person a décidé de lancer un projet plus personnel. Et il n’est pas le seul.
Les nouvelles galeries ont cette particularité d’avoir rapidement pris leurs marques. Ainsi Florian Azzopardi, qui a lancé Afikaris en 2018, une galerie en ligne, a transformé son appartement en show-room, avant de rapidement opter pour une galerie près du Centre Georges Pompidou et de déménager fin 2022 pour un espace plus en rapport avec ses ambitions près de République. Dans le même quartier, la galerie 193 (pour 193 pays); lancée, elle aussi, en 2018, a déménagé vers un espace plus grand avant d’ouvrir un second lieu conçu comme un atelier en résidence ouverte. Pour l’inaugurer comme premier artiste invité, le choix s’est porté sur le Burkinabé Hyacinthe Ouattara.
… renforçant l’attractivité de la capitale française
À peine sorties du Covid, en septembre 2021, deux galeristes ont inauguré un nouvel espace dans le triangle d’or du 8e arrondissement. À cette occasion, Cécile Fakhoury et Mariane Ibrahim ont mis à l’honneur des artistes ivoiriens, ghanéens, sénégalais ou encore nigérians. Et elles comptent bien convaincre à la fois la clientèle huppée, française et internationale, qui affectionne le quartier, mais aussi les grands collectionneurs, sans oublier les responsables d’institutions et de musées européens et américains de passage à Paris. Est-il nécessaire de rappeler que, dans ce triangle d’or de l’art contemporain, avec l’avenue Matignon et la rue Saint-Honoré comme marqueurs, on côtoie des institutions comme Emmanuel Perrotin, Gagosian, Lelong, ainsi que les incontournables du secteur, les maisons de vente aux enchères Artcurial, Christie’s et Piasa ?
« Aujourd’hui, Paris revit, et renoue avec son faste culturel, artistique et historique d’antan. Nous voyons une opportunité incroyable pour les artistes que nous représentons de faire partie de ce retour de la capitale sur la scène internationale, et de revendiquer la contribution incontestable des artistes de la diaspora africaine sur les canons artistiques passés, présents et futurs », se réjouit Mariane Ibrahim, qui, de Chicago où elle était présente, annonçait l’ouverture de sa galerie parisienne. Pour Cécile Fakhoury, bien ancrée dans sa belle galerie de 400 m2 sise à Abidjan, l’ouverture de l’adresse parisienne suit celle de Dakar en 2018. Elle compte ainsi bien profiter de sa présence à Paris pour augmenter la visibilité internationale de ses artistes.
Une convergence galeries-maisons de vente se dessine…
Tout cela se passe dans l’univers d’un marché de l’art qui évolue énormément. Pour César Lévy, fondateur de la galerie 193, « la frontière entre le premier et le second marché s’estompe. Ainsi, la maison de vente Drouot a lancé une plateforme, comme Artsy, une offre destinée aux galeries et positionnée sur les artistes émergents », explique-t-il précisant qu’il commence à être régulièrement démarché. « Les modèles et les périmètres explosent et tout le monde veut profiter de la digitalisation. On change de modèle aussi avec le galeriste Perrotin qui propose dans ses galeries à Paris, mais aussi maintenant à Dubai, des œuvres du second marché, rachetées à des collectionneurs. Chacun cherche à élargir son activité », poursuit-il.
En revanche, pour les artistes, s’exposer trop rapidement sur le second marché peut être dangereux, notamment si leur cote chute ou si les œuvres ne trouvent pas preneur. Cela se sait. « Le risque est moindre pour les artistes déjà reconnus, mais c’est beaucoup plus compliqué pour les artistes émergents », confie César Lévy. « Au sein d’une galerie, l’artiste est plus protégé. La galerie le représente, fait sa promotion dans les foires et l’expose. Les maisons de vente font désormais de plus en plus de petites expositions avant les ventes plus curatées. Pour autant, elles communiquent toujours sur leur volume de ventes ! Nous travaillons sur le long terme avec nos artistes, ce n’est pas le cas des maisons de vente », ajoute-t-il.
« Si nous conservons un axe fort pour l’Afrique, nous élargissons notre programmation à l’international avec des artistes comme l’Italien Aron Demesde ou la Hongroise Márta Kucsora », précise Stella Melbye, fondatrice à Hambourg de la galerie Melbye Konan, qui a réussi à se lancer entre deux vagues de Covid et qui a déménagé pour investir des locaux encore plus spacieux. « Il est important que la galerie essaye de contrôler le second marché et connaisse bien ses collectionneurs », indique-t-elle, précisant qu’elle refuse de « vendre en ligne sans un appel pour faire connaissance ». Et de conclure : « C’est un bon moyen d’éviter les art flippers, ces acheteurs juste intéressés par la revente immédiate pour empocher un profit. »
Il convient en tout cas de retenir que, si le digital a pris une grande place dans le marché de l’art contemporain, il ne fait pas tout. Pour Gazelle Guirandou, par exemple, « c’est la rencontre qui prime, avec l’artiste, bien sûr, mais aussi avec le collectionneur ». Pour preuve, en reprenant la direction de la galerie LouiSimone Guirandou, cofondée avec sa mère, elle a souhaité poursuivre à Abidjan le travail d’exposition déjà engagé par sa mère, et ce, sur des artistes du monde entier. « Je reçois parfois des critiques sur le fait que certains des artistes que je représente ne seraient pas assez africains », dit-elle avec une pointe d’étonnement. « Il faut parler des artistes, africains peut-être, mais l’important n’est-il pas qu’ils soient bons et qu’ils rencontrent aussi d’autres artistes qui viennent d’horizons différents », insiste-t-elle.
… sur un marché de plus en plus organisé
Ce sont là autant d’éléments qui illustrent que la réflexion autour des œuvres se densifie à juste raison. Ainsi, pour éviter de voir leurs poulains se retrouver trop rapidement sur une vente aux enchères, ils font signer des clauses de protection. Celles-ci interdisent en principe à l’acheteur de revendre l’œuvre dans les 5 ans. Il s’agit là d’un premier pas important, même si, dans les faits, il y a quelques couacs. « J’ai entendu un galeriste parisien très mécontent de la mise aux enchères, dans son dos, d’une toile d’un de ses jeunes protégés. Heureusement, le tableau avait été adjugé à un prix convenable », soutient un observateur attentif du milieu. « Les galeristes essayent de se protéger, mais la tendance a été lancée par de grandes maisons de vente comme Phillips. Il est difficile d’aller contre », reconnaît Charlotte Lidon, codirectrice au département art contemporain africain chez Piasa. « Nous essayons de respecter et nous discutons beaucoup avec les galeries et même les artistes. Nous considérons que nous faisons partie de cet écosystème et ne sommes pas là pour écraser du monde. L’objectif final est de faire partie de la création et de faciliter le mouvement de transfert des œuvres d’une main à l’autre, d’une collection à l’autre », ajoute Olivia Anani, également codirectrice au département art contemporain africain chez Piasa.
Source: www.lepoint.fr