Thésard en génie électrique à la ville, le jeune triple sauteur a rapporté à son pays en 2021 la première médaille de son histoire lors des Jeux de Tokyo. Depuis, il engrande records et récompenses.
Hugues Fabrice Zango a un mental d’acier. Du genre à plancher des heures sur des calculs de physique à l’université puis à enchaîner les foulées au stade jusqu’à la nuit tombée. Thésard le jour, triple sauteur le soir, le Burkinabé multiplie les exploits. A 29 ans, il a remporté la première médaille olympique (bronze) de l’histoire de son pays, le Burkina Faso, aux Jeux de Tokyo en 2021, devenant ainsi le premier athlète africain sacré dans cette discipline. Quelques mois plus tôt, Hugues Fabrice Zango battait le record du monde en salle, en franchissant pour la première fois la barre des 18 mètres (18,07 m).
Rien ne semble arrêter ce doctorant en génie électrique à Béthune (Pas-de-Calais), sacré vice-champion du monde aux championnats d’athlétisme d’Eugene, aux Etats-Unis, en juillet. Affiches publicitaires à son effigie, comité d’accueil pour son arrivée à l’aéroport, selfies… Au Burkina Faso, le roi du triple saut a contribué à faire rayonner cette discipline longtemps peu connue, et il est devenu un exemple pour la jeunesse. « On m’arrête dans la rue pour me féliciter, les parents me demandent conseil pour leurs enfants », s’étonne ce grand timide, fait chevalier de l’Ordre du mérite pour sa médaille de bronze au Japon.
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Hugues Fabrice Zango a toujours visé l’excellence. Premier de sa classe au collège, il se démarque déjà en classe d’éducation physique et sportive (EPS), où il court plus vite que ses camarades. Mais « surtout pour avoir de bonnes notes ! », précise l’athlète, qui commence par intégrer l’équipe de football de son établissement, à Ouagadougou, et participe à un tournoi scolaire d’athlétisme « un peu par hasard » à 18 ans. Même lorsque Christian Sanou, un coach burkinabé, tente de le convaincre de venir s’entraîner, l’adolescent préfère refuser pour se concentrer sur ses études. « Ça ne m’intéressait pas. A l’époque, il n’y avait pas d’exemple d’athlète reconnu dans le pays », indique ce dernier, se laissant finalement convaincre par la promesse de voyager.
« Il a fallu repartir de zéro »
Mais le jeune manque encore de coordination et, pour la première fois, se fait doubler à l’entraînement. Déterminé, il s’entraîne pendant les vacances et télécharge des vidéos des performances du Britannique Jonathan Edwards et du Français Teddy Tamgho, au cybercafé, pour s’en inspirer. « J’étais impressionné de voir que l’on puisse sauter aussi loin, je voulais faire mieux ! », se souvient le double champion d’Afrique.
L’année suivante, il regarde ses premiers Jeux olympiques à la télévision, mais regrette de ne pas voir le drapeau rouge et vert de son pays flotter à Londres (2012). Il se fait alors une promesse : représenter le Burkina Faso à la prochaine édition, et, même, promet-il à son petit frère, de monter un jour sur le podium ! « Impossible », lui répète-t-on, à cause de son mètre quatre-vingts et du manque de structures d’entraînement adaptées dans son pays.
Mais Hugues Fabrice Zongo redouble d’efforts et décide de suivre un master à l’université d’Artois, dans le nord de la France, en 2016. L’expatriation, le froid, les journées à rallonge… Le Burkinabé suscite l’admiration des autres étudiants. « On me demande souvent comment je fais pour tenir le rythme. Mon secret, c’est la discipline et beaucoup de sacrifices sur le plan social », glisse le doctorant qui, après le laboratoire de « huit à seize », enchaîne avec trois heures d’entraînement le soir et les week-ends.
Sur le terrain comme au labo, Hugues Fabrice Zongo aime défier les lois de la physique. Ce passionné de machines aime chercher à comprendre le fonctionnement des systèmes électriques et repousser les limites du corps humain. Comme en 2018, lorsque Teddy Tamgho, l’ancien champion du monde de triple saut, le prend sous son aile et lui annonce qu’il doit « tout reprendre », à cause des lacunes techniques accumulées parce qu’il a été découvert sur le tard.
« Il a fallu repartir de zéro, déconstruire, questionner, réfléchir à des solutions », explique le chercheur. Teddy Tamgho estime qu’il devra travailler pendant un an et demi. Il ne lui faudra finalement que quatre mois. Le jeune sauteur, surnommé « Jiren », un personnage du manga Dragon Ball incarnant le calme et la puissance, se distingue par ses pointes de vitesse, touchant la planche d’appel à 40,8 km/h et pouvant courir le 100 mètres en 10 secondes et 70 centièmes (10’70’’).
« Héros national »
Au Burkina, le parcours du « héros national » fait rêver. A chaque retour dans la capitale, Hugues Fabrice Zongo effectue des visites dans les classes et les camps de vacances. Au-delà de la performance sportive, ses médailles sont surtout pour lui un moyen de « redonner espoir » à la jeunesse de son pays. « On manque de modèles pour se construire, je veux montrer qu’un Burkinabé peut réussir, et pour cela qu’un objectif doit devenir une mission de vie, continuer de se battre malgré les obstacles », prône l’athlète, qui vient d’être nommé ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef et est engagé dans une association d’aide à la scolarisation des enfants.
Alors que le sentiment de désespoir et d’impuissance grandit chez certains jeunes face aux violences djihadistes depuis sept ans, il espère que ses prouesses permettront de montrer « une autre image » de son pays, qui puissent les guider. « S’ils se résignent, on risque de perdre une génération, il faut continuer à travailler, créer, pour éclairer l’avenir en attendant que l’orage passe », plaide l’ingénieur qui souhaite, après sa thèse, rentrer développer son pays et rechercher des solutions face au déficit énergétique du Burkina, un pays enclavé du Sahel.
Son autre rêve : créer une structure sport-étude pour permettre aux jeunes d’allier leur passion à un cursus scolaire. En attendant, Hugues Fabrice Zongo se prépare pour les Jeux olympiques de Paris, en 2024. Il espère y décrocher la médaille d’or et voir briller « la relève » qu’il accompagne, comme Bienvenu Sawadogo, spécialiste du 400 mètres haies, et Marthe Koala, la championne du 100 mètres haies et du saut en longueur. Ils viennent de rejoindre l’équipe de Teddy Tamgho.
Source: https://www.lemonde.fr