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Femmes noires et métisses : une libération qui commence par les cheveux

Après des décennies d’injonction au défrisage et de canons de beauté édictés par les Blancs, elles affirment leur identité en laissant leurs cheveux au naturel.

Elle en a un peu marre qu’on ne lui parle que de ça. Juliette Sméralda est sociologue, enseignante et chercheuse à l’université des Antilles, pôle Martinique. Depuis qu’elle est venue présenter en 2005, au Salon Boucles d’Ebène à Saint-Denis (93), son livre Peau noire, cheveu crépu. L’histoire d’une aliénation (éditions Jasor), elle a beau avoir des tonnes de choses à dire sur l’immigration indienne ou sur le rapport au sucre aux Antilles, on la sollicite, on l’invite, on lui demande conseil et pourquoi la peau noire ceci ou les cheveux crépus cela… Treize ans que les questions et les témoignages fusent partout où elle va.

Samedi 13 octobre, conviée par l’association Sciences Pop, la mairie de Saint-Denis et le Théâtre Gérard-Philipe, elle a donné une conférence devant une salle bondée. Elle l’a fait dans le cadre de l’exposition itinérante « Afro ! » conçue par la journaliste et militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo et la photographe Brigitte Sombié, auteures du livre éponyme (éditions Les Arènes), qui donne à voir des personnes médiatiques ou inconnues, à l’aise avec leurs cheveux naturels. Juliette Sméralda descendait tout juste de l’avion mais a partagé pendant deux heures son savoir et sa réflexion uniques.

« C’est un souci permanent de vivre dans un pays qui nous donne le sentiment qu’on n’existe pas parce que rien n’est pensé pour nous, ni les pansements, ni les coiffeurs, ni les fonds de teint. » Rokhaya Diallo

« Quand je me suis lancée dans Peau noire, cheveu crépu, j’ai dû faire face à une absence totale de documentation, notamment en français. Nous sommes censés avoir une université à la Martinique et à la Guadeloupe, mais je ne sais pas de quoi elles s’occupent car il n’y a pas de socio, de philo. Pas de psycho… Il y a des lettres par contre. Beaucoup de gens qui inventent la réalité au lieu de l’explorer. Du coup, on ne voit pas clair dans ces questions. Que faisaient les Africains de leurs cheveux avant, pendant et après l’esclavage ? Cette coupure entre les personnes déportées et le continent africain a rejailli sur la connaissance que nous avons de nos corps et de nous-mêmes. Avec une histoire et des conséquences différentes aux Etats-Unis, aux Antilles et en métropole. Sans réponses précises, on interprète, on compare ce qui ne l’est pas toujours, on s’égare. »

De cette problématique de la peau noire et du cheveu crépu – leurs spécificités, l’origine des préjugés dont ils pâtissent, leur beauté naturelle méconnue et sous-valorisée, les dommages collatéraux de l’obsession des Blancs pour le poil –, Juliette Sméralda dit qu’elle l’a « entortillée » et aussi qu’elle a besoin de s’en libérer pour avancer sur d’autres objets de recherche. Force est de constater qu’elle « entortille » aussi de nombreuses personnes aujourd’hui en France. Mais qu’il est pour elles compliqué, audacieux, voire risqué, d’en parler simplement dans l’espace public en 2018.

Source: www.lemonde.fr

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