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L’Ambassadeur Filippe Savadogo rend hommage à l’Ambassadeur John Boureima KABORÉ

John Boureima Kaboré, l’un des premiers ambassadeurs de métier de notre pays est décédé le 12 mai 2020 à Paris dans sa 88e année. Dans ce témoignage, Filippe Savadogo, ancien ambassadeur du Burkina Faso à Paris, rend hommage à ce grand serviteur de l’Etat et de l’Afrique.

Son Excellence John Boureima KABORÉ, notre tout premier Ambassadeur au Ghana, désigné par le Président Maurice YAMÉOGO auprès du Président Kwamé NKRUMAH nous a quittés le mardi 12 mai 2020 à Paris dans sa 88ème année.

L’Ambassadeur John Boureima KABORÉ est né au Ghana le 25 mars 1932 mais renouera avec son pays d’origine en débutant sa scolarité à Zorgho pendant la seconde guerre mondiale.
Il nous expliquait souvent combien lui-même et ses camarades d’enfance, dont Monsieur Charles Bila KABORÉ, avaient eu la chance d’être encadrés par un éminent Instituteur formé à William Ponty, à savoir Monsieur COMBARY Abdou.

Très vite, il fréquentera avec succès les écoles et les collèges de l’époque à Bingerville et se retrouvera à l’Université de Dakar où il embrassera les Sciences Naturelles. Brillant étudiant, multilingue parfait (Anglais, Français, Mooré, Ashanti, Haoussa) au contact facile et à l’esprit rebelle, il sera vite remarqué parmi les étudiants voltaïques et choisi avec d’autres camarades pour suivre la formation des premiers diplomates voltaïques à Paris.

C’est ainsi qu’en 1961, il sera nommé Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Haute Volta auprès de la République sœur du Ghana.
Son bref passage au Ghana, son deuxième pays d’adoption, l’amènera à faire de grandes réalisations telles l’acquisition de la Résidence et de la Mission Diplomatique de Haute Volta ; les bonnes relations politiques et de coopération entre nos deux pays (normalisation des relations entre les deux présidents, construction de l’Hôtel Indépendance, suppression des bornes frontières etc…) furent sa marque déposée.

John Boureima KABORÉ, Ambassadeur auprès des Etats-Unis d’Amérique et Représentant permanent de la Haute Volta aux Nations Unies

Esprit brillant, John Boureima KABORÉ sera appelé en urgence pour occuper le poste d’Ambassadeur de la Haute Volta auprès des Etats Unis d’Amérique et en même temps Représentant permanent de la Haute Volta auprès des Nations Unies sous le mandat du Birman U’THANT en janvier 1963.

Une période faste des relations entre les Etats Unis et la Haute Volta
La période du mandat de l’Ambassadeur John Boureima KABORÉ a coïncidé avec le mandat du démocrate John F. KENNEDY et de son successeur Lyndon B. JOHNSON.

C’est à cette époque que grâce à son entregent, le Président Maurice YAMÉOGO effectuera sa première visite officielle aux Etats Unis.
Cette visite mémorable a été rendue possible grâce à l’affrètement de l’AIR FORCE ONE (Avion de commandement du Président des Etats-Unis d’Amérique).

Faute de pouvoir atterrir à Ouagadougou, l’avion se posa à Abidjan pour convoyer Maurice YAMÉOGO à Washington.
Cette visite mémorable du Président Maurice YAMÉOGO aux Etats-Unis d’Amérique fut pleine de satisfactions sur le plan de la coopération bilatérale entre les deux pays.

Le Corps de la Paix, les différents programmes de développement dans le domaine de la santé, de l’éducation et les programmes alimentaires datent de cette époque. Durant cette période, l’Ambassadeur John Boureima KABORE a appliqué un adage qu’il adorait, à savoir : « la diplomatie, c’est le savoir-faire et le faire savoir ».

Polyglotte parfait formé aux grandes écoles des années 1960, il avait une très haute estime de la Haute Volta et l’imprimait à la grande admiration des diplomates de l’époque.

Sa capacité d’analyse, sa passion du métier et son aisance oratoire feront de lui le parfait diplomate qui ne laissait personne indifférent.

Le tournant de fin de règne du Président Maurice YAMÉOGO

Les premiers diplomates, malgré de nombreux handicaps dus au début des indépendances, au manque criard de moyens ont pu creuser des sillons solides que l’on retrouve aisément lorsqu’on visite les toutes premières missions diplomatiques.

La période fut éphémère car très vite, les nouveaux pays indépendants vont connaitre des turbulences.

Ces turbulences vont entrainer le renversement du régime en place et en même temps bousculer la destinée de beaucoup d’ambassadeurs de l’époque.
Cette situation va d’ailleurs se poursuivre sans discontinuer durant une longue période teintée d’accalmies.

Ainsi l’Ambassadeur John Boureima KABORE sera un témoin vivant des évènements du 03 janvier 1966 car il venait d’être rappelé en consultation et visiblement avec la proposition d’être nommé Ministre des Affaires Etrangères.
Cette proposition à laquelle il résista connut son épilogue avec l’avènement du 03 janvier 1966.

Rapidement reçu par le nouveau Président Sangoulé LAMIZANA, il retourna à Washington avec la certitude qu’il vivait la fin d’une époque.

La seconde carrière de John Boureima KABORE, haut fonctionnaire à l’UNESCO.

Les solides relations cultivées durant sa flamboyante et courte carrière au service de la diplomatie voltaïque et ses inoubliables camarades de l’Université de Dakar, à l’époque creuset de tous les futurs cadres de l’AOF vont permettre à l’Ambassadeur John Boureima KABORE de poursuivre une seconde et belle carrière de prédilection à l’UNESCO.

Son esprit d’entreprise à cheval entre le monde anglophone et francophone qu’il maitrisait à souhait et son prestigieux passé de diplomate dans le cœur du monde (l’ONU) et son parcours (USA) feront de lui la peinture achevée du cadre pointu, compétent et plaisant.

Très vite, l’Ambassadeur John Boureima KABORE gravira à pas de course le sommet de la pyramide de l’Organisation pour les Sciences, la Culture et l’Éducation (UNESCO).

L’arrivée du Directeur Général de l’UNESCO, Monsieur Ahmadou Mactar M’BOW, son ainé de Dakar fera le reste et le placera dans le top five des hauts fonctionnaires de l’UNESCO.

L’Ambassadeur John Boureima KABORE, un bourreau du travail

En rejoignant l’UNESCO après la chute du Président Maurice YAMÉOGO en 1966, l’Ambassadeur John Boureima KABORE se fera remarquer par le travail bien fait et son esprit décomplexé pour l’époque qui lui vaudra la confiance de tous.

Parmi les inoubliables services rendus à l’Afrique et au Burkina, on peut, entre autres, citer l’établissement du projet pilote de l’UNESCO à savoir l’Institut Africain d’Éducation Cinématographique au Burkina.
L’Ambassadeur John Boureima KABORE était devenu, durant sa carrière à l’UNESCO, l’incontournable pièce maitresse de l’Afrique et plus largement des pays non-alignés.

Ma première rencontre avec l’Ambassadeur John Boureima KABORE date de l’année 1977 lors de sa brève visite à Ouagadougou à l’occasion du lancement de l’Institut Africain d’Education Cinématographique (INAFEC) ; ensuite à Paris en 1981 lorsque j’effectuais un stage de spécialisation au sein du Service d’Information du public de l’UNESCO.
À cette époque l’Ambassadeur John Boureima KABORE servait l’UNESCO à l’éminent poste de Sous-Directeur Général Chargé de la Coopération du Développement et des Relations Extérieures.

La fierté des Africains était à son apogée lorsque Ahmadou Mactar M’BOW, le Grand Directeur Général de l’UNESCO aux mandats successifs présidait aux destinées de ce temple du savoir.

Il était entouré pendant 13 ans par d’éminents hommes de confiance dont John Boureima KABORE qui l’accompagna brillamment lors de sa longue marche qui a débuté en 1974 et qui s’achèvera en 1987.
On peut dire que cette période faste de l’UNESCO fut réellement marquée par les Hussards Noirs des savoirs parmi lesquels on pouvait compter les mains habiles de ses proches collaborateurs.

Il y a une dizaine d’années, l’UNESCO, en rendant hommage à l’ancien Directeur Général Ahmadou Mactar M’BOW, les mots courage, éthique, justice et vision sont revenus dans les différents témoignages.
Tous ont reconnu le travail abattu par l’ancien Directeur Général de l’UNESCO qui a porté l’institution onusienne au plus haut sommet.

L’Ambassadeur John Boureima KABORE, lorsqu’il a fait valoir ses droits à la retraite en 1992, était resté constamment aux avants postes de cette Organisation d’élites mondiales.

John Boureima KABORE fait Grand officier de l’ordre national du Burkina

Après l’UNESCO, l’Ambassadeur John Boureima KABORE accompagnera la Délégation permanente du Burkina Faso auprès de l’UNESCO pendant environ une vingtaine d’années à titre bénévole de « Conseiller Spécial ».
Cette preuve de patriotisme et de courage lui vaudra en 2004 la décoration de Grand Officier de l’Ordre national.

Au cours de la cérémonie de remise de cette haute distinction présidée par le Ministre des Affaires Étrangères, le regretté Youssouf OUEDRAOGO, en présence du Président Abdoul DIOUF, son condisciple de Dakar, dira à l’endroit de l’Ambassadeur John Boureima KABORE que « le Faso récompense toujours des personnalités qui s’engagent à ses côtés et qui font preuve de dévouement ». Il a particulièrement félicité son compatriote pour son brillant parcours professionnel et de pionnier de la diplomatie burkinabè.

L’Ambassadeur Filippe SAVADOGO témoignera lors de cette cérémonie que Son Excellence Monsieur John Boureima KABORE est celui qui a guidé ses premiers pas à Paris par ses conseils avisés de fin connaisseur des arcanes de l’UNESCO.

L’Ambassadeur John Boureima KABORE, en nous quittant ce 12 mai 2020, laisse un grand héritage de vie d’un enfant du siècle, qui, par son histoire personnelle montre, s’il en était besoin, comment les enfants de la diaspora peuvent apporter une contribution inestimable à leur pays.
L’Ambassadeur John Boureima KABORE né en 1932 au Ghana, avec un parcours extraordinaire en tant que citoyen du Burkina Faso a parallèlement eu son jeune frère qui fit un brillant parcours en tant qu’Officier Supérieur dans l’armée Ghanéenne.

Cela montre aussi que la maitrise des langues peut être un déterminant extraordinaire dans une carrière professionnelle.

Avec l’Ambassadeur John Boureima KABORE, j’ai appris que la différence entre le diplomate et le journaliste c’est « le savoir-faire et le faire savoir ».
En alliant les deux, on peut aller au large.
Nous exprimons toute notre reconnaissance à ce digne fils d’Afrique dont les actions imprimées lui survivront à jamais.

QUE SON AME REPOSE EN PAIX.

Ambassadeur Filippe SAVADOGO
Ancien Ministre de la Culture,
Ancien Ambassadeur de la Francophonie aux Nations Unies
Ancien Doyen du Corps Diplomatique africain en France

P.-S.

21/05/2020

Source: www.lefaso.net

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